De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

dimanche 31 août 2014

Le vieux chien

Vieux chien se cogne
au pied de table
ne quitte plus la cuisine
fait crisser la chaise
et se balançant
d'un flanc l'autre
lorgnant le plafond
lampe allumée
sème ici et là souvenirs
de trottoirs anciens
buisson angle de rue
boucher pas loin
massif près du feu rouge
elle traîne la savate il tire
à peine son rauque
langue prête à tomber
vite le bac à sable
une infection mais
ventre plein le soulager
que faire il flaire
fauteuil personne tapis
souillé elle va menacer
d'une caresse tremblotante
touffes de poils au panier
lui qui faisait si bien le beau
sur deux pattes et hop hop
mais depuis quand
n'a-t-elle pas secoué la laisse
et lui sa queue vaguement
souffle perdu à force
de descendre monter l'escalier
non rien ne bouge
il se cogne à la porte
tout allumé dormir manger
là son assiette un bout sec
de quoi déjà plus rien
riz dur jambon pue
où est-elle dormir
alors il se couche
sous la table et
pose son museau
sur la main froide
du corps coincé
entre four et buffet.

(13 aôut 2014)

vendredi 29 août 2014

Sauvage ontologie 12


Heureux arbre
à papillons
fraîche brise
des sommets
voir devant
la porte passer
légère une âme
rêveuse en
chemin vers
la forêt pentue
d'un signe
caresser l'air
de la main
l'être se sent
pousser des ailes
observait-il
la salle
des pas perdus
dallée de
sourires égarés.


Parfum de néroli
immuable sommeil
troublé d'amère douceur
des astres glacés
de solitude bleu nuit
chevelure infinie
de Bérénice
rêve l'être envoûté
dans la fraîcheur matinale
des jardins de Cordoue
ouvrit-il un blanc
sec et généreux
du Ventoux
amande croquée
à l'heure de l'apéro.


Calme du soir
au fond la ville
éclats de terrasses
habillées de fête
chargé de fruits
le figuier tremble
dans le pépiement
des moineaux
paysage de tuiles
de cheminées froides
au fond du moi
corps ballotté par
les remous du sexe
l'être s'étonne et
se prépare au pire
la guerre jamais
n'est si loin qu'il
puisse l'oublier
nia-t-il naïf
avoir voulu
le mal dont
il se savait
incapable.


Jamais ne s'assoupit
veillant sur le corps
l'être à l'affût
de l'ondulation
des herbes folles
sur les collines
jusqu'aux sombres
forêts trouées d'yeux
traquant les proies
de sang de muscles
d'os blancs si petits
miniature chinoise
charrette tirée par
de paisibles buffles
têtes levées ciel de jade
foin d'ivoire lié d'or
enfant recroquevillé
dans un trou de paille
rêve d'être chevalier
jamais ne s'assoupit
l'être à l'affût
du jour à venir
marchait-il
dans une rue pavée
manquant à chaque
pas de glisser
dans l'oubli.

(29 août 2014)

Le vent


Le vent peut bien souffler
je ne t'oublierai pas
les chemins filent à l'horizon
qui se tort et s'enroule
en vain je veux m'y perdre.

Laisser sur le côté
les robes les nuits bleues
les cafés les rues sombres
jeter au loin les lettres
jamais lues et froissées
par le chaos d'un été
jamais je ne pourrai.

Autant me ligoter à
un grand pin en feu
d'avoir défié le soleil nu
quand dans les vieilles villes
marchant au hasard des places
des fontaines des statues
d'hôtel borgne en palace
j'attendais que l'heure vienne

où nous irions au fleuve
laver nos peaux blessées
à la saison des pluies
où nous pourrions crier
que justice soit rendue
pour tous nos crimes
toutes nos injustices
nos faiblesses à venir.

Le vent peut bien souffler
je ne t'oublierai pas
toi qui depuis l'enfance
me précèdes et me suis
m'interroges du regard
quand je fuis devant l'or
que je ne vois même pas.

J'aime qu'ainsi tu me hantes
ton visage est changeant
en cette vie je t'ai croisée
mille fois et mille fois
dans ta bouche étonné
couché contre ta langue fraîche.

Le vent peut bien souffler
l'horizon se cacher
le monde s'étendre à l'infini
qu'importe tu es là
je ne t'oublierai pas.

(29 août 2014)
Toulouse, place Saint-Étienne, 5 novembre 2013, 18h14. ©JJMarimbert


mardi 26 août 2014

Sauvage ontologie 11

Quand le jour
et la nuit
tombent
en un recueil
ultime du
chuchotement
des feuilles
des oiseaux
des nuages
l'être fredonne
un air de guitare
se ressaisit-il
empoignant
le bastingage
du Biladi
en vue de
Gibraltar.


Rincer assiette
et verre
sur fond de radio
plier le linge
aimer cela
écrire un rien
réprimer l'envers
poster une lettre
sourire à
une passante
rejoindre le
fleuve
au fil de l'être
passe la mort
au loin
frissonna-t-il
pensant à
son premier
amour.


Laisser portes
fenêtres ouvertes
en grand dans
toutes les pièces
entrer les abeilles
les papillons les
arbres aussi
les oiseaux les
fantômes la nuit
le jour les rires
les pleurs du ballon
dans la rue des vélos
du camion-poubelle
le froid le chaud
la pluie et l'air
le courant d'être
dans le sang
dans la bouche
tout le corps
en éveil
ouvrait-il la
porte coulissante
du garage
pensant à la liste
des courses
oubliée.


Vertige ineffable du
radical départ
ronde enfantine
nous n'irons plus au bois
des ombres joyeuses
les lauriers sont coupés
décor peint à la hâte
la belle que voilà
la laiss'rons nous danser
pour cacher l'abîme
intérieur de la peine
entrez dans la danse
et l'être vit
résister tenir bon
voyez comme on danse
au creux des sourires
du ciel sauvage
et clément des amis
embrassez qui vous
voulez embrassez
vite et follement
sautez dansez
écoutait-il
le chant des oiseaux
impatients d'en
découdre avec
les nuages.


Chemin pierreux
du hasard frangé
de branches basses
de fourrés piquetés
raisin des ours mûres
hampes toxiques de
digitales enflammées
éclats de boutons d'or
sillonné de racines
troué par les sabots
de ravines fendu
la boiterie de l'être
vers la cime dressé
ne lui fait pas
perdre ses ailes
croisa-t-il
un arbre muet
de tant de ciel offert
aux caprices du vent.

(26août 2014)
"La Salamandre", Carpentras, 22 juillet 2014, 22h01. ©JJMarimbert


dimanche 24 août 2014

Sauvage ontologie 10


L'hôtel dort
draps froissés
bataille de l'être
ombre zébrée
des persiennes
ocres entrouvertes
losanges carrelés
bruits de rues d'une
ville inconnue
petite place ronde
bancs de pierre
de longs fils
de soi pendent
aux fenêtres
noua-t-il
sa gorge
à un voilier
en partance.


Dans la solitude
de l'être
se terre
un monde inhabité
de torrents joyeux
de vallées de lumière
de forêts profondes
de fleuves puissants
d'îlots ombragés
de villes à venir
de visages solaires
regarda-t-il
absent
le ciel.


Les dieux n'existant
pas ou mais où
l'être bâtit
en plein soleil
et sous la pluie
un château de sable
sur une plage
de temps
jonchée d'aiguilles
cassées
affichait-il
un sourire
de carnaval
en papier mâché.


Douce aridité
des cailloux usés
voyageurs égarés
du sable mouillé
sous le pied nu
être résistant
vain combat
plaie du temps
jamais ne se ferme
s'habillait-il
à la hâte
pour rejoindre
ses rêves.


Tandis qu'au loin
batifolent s'entretuent
les rumeurs de la ville
la marée dépose sur
la grève
algues rouges
coques vides
débris de bois
de filets de cageots
l'être file
entre les rochers
traque l'horizon
sillonne l'absence
attendait-il
son train
retardé pour cause
de rails rouillés.


C'est à peine
si l'eau
baigne ses pieds
fine lame
translucide
sur les galets
les caressant
être dilué
feuille liquide
et fraîche
les recouvre
se retire
se fond
à l'horizon
entrait-il dans
la ville dévastée
par la nuit
prêt à tout
reconstruire.

(24 août 2014)
Hendaye, 12 août 2014, 10h26. ©JJMarimbert


samedi 23 août 2014

Aquarium (extrait)


Nuit froide comme jamais
arrivés la veille à la frontière
après Madrid-Pampelune dans
des conditions difficiles à pied
en camion bâché dormant dans
les ravins de cailloux mangeant
ce qu'on trouvait la panique mon
père je l'ai su plus tard proche
des anarchistes avant et pendant
la guerre je n'aurais pas été là
serait parti se battre et ma mère
plus encore selon un cousin sacré
tempérament. Manuel Portalès
sourit devait penser que l'écoutant
j'imaginais routes défoncées par
les tirs d'obus dentelles de ruines
crépitement des armes courant à
travers champs buvant l'eau des
ruisseaux alors que je coursais un
autre enfant mes parents et moi
devions prendre le bateau peu de
jours après le départ de Grand-mère
Marguerite et Pépé Jean j'en rêvais
traversée du détroit sans penser
qu'un jour la dernière aussi pour
mes parents pour moi non j'en
voyais déjà les étapes le corps
tétanisé par la puissance des
moteurs glisser devant la jetée
hangars jaunes blancs éclatants
de lumière grandes cuves à pétrole
bateaux teuf-teuf cris de pêcheurs
la ville arabe blancheur de craie
franchir enfin la baie repérer là-bas
l'immeuble bord de plage croissant
de sable où nous habitions alors
filer à la proue s'aventurer dans le
détroit et soudain deux garçons à
l'avant du ferry scrutent l'eau dans
l'espoir de voir jouer les dauphins
Manuel petit et moi je fus troublé
regardai l'homme plus proche de
moi enfant que jamais jusque-là.

Aquarium, Éditions du Cygne, 2014.